Mes photographies se présentent comme un journal, une mixité d’images, telles des bribes de moments passés.
Entre autobiographie et investigation profonde sur le questionnement de l‘autre, je construis une mythologie personnelle, une mystification dite de l‘autoportrait. Le journal intime serait-il un dédoublement entre la réalité et une fiction provenant de l’imaginaire de son auteur? Une magnification de l’ordinaire qui adviendrait à un dédoublement entre réalité et conte? La multiplicité des regards se pose sur l’enthousiasme d’un être envahi de fantasmes et d’obsessions. L’art intime, ainsi, existe dans le but d’expérimenter les moindres retranchements de l’individu, afin de lui rendre sa place.
La présence intime des corps.
Des corps, la plupart du temps morcelés, des visages coupés, des actes figés dans l’amertume du déclin: la présence intime des corps hante mes images. Je navigue dans toute l’expérimentation photographique qu’engendre mon obsession: obsession à vouloir capter le réel, mais également à vouloir comprendre ce qu’il a de plus tragique; cette existence vouée à fuir le temps qui s’égraine. Ce qui me motive à prendre un appareil, c'est mon regard subjugué de voir ce qu’il n’y aura plus. On ne choisit pas la photographie pour rien. On la choisit, car ce qu’elle traduit nous fascine autant qu’elle nous fait tressaillir. Elle est empreinte, autant que l’empreinte du monde qui meurtrie la chair.
Inscrite dans un travail autobiographique, j’élargis mon cadre à ma famille, mes amis,… le cercle intime; cercle voué à la mouvance, s’élargissant selon mes rencontres. Ce n’est pas moi, ce n'est pas vous non plus, mais nous. C’est un temps privé que j’offre à voir, qu’importe que la figure soit mienne ou celle de mon modèle, car dans l’image nous ne sommes plus qu’un. Nous sommes la somme du temps qui s’efface, nous sommes la construction du vivant. Et par delà toutes ces circonstances, parait le leitmotiv d’un corps qui s’épuise de désir. Ainsi, je prône le corps dans toute sa complexité, dans ce qu’il a de plus charmant. Je palpe son usure. Je cherche également cette part émotive de laquelle dépend la construction de l’individualité. Portrait ou réflexion existentielle? Mes images se targuent de n’être rien d’autre qu’une vision, ma vision sur les choses inhérentes de la vie. Pour cela, j’utilise différentes approches de la pratique photographique: tantôt l’immédiateté que m’offre le vivant, tantôt je «menuise» sa construction en jouant de mise en scène.
La matière traverse toutes mes images, que ce soit celle du sujet photographié, celle d’un mouvement et du flou qui en résulte durant l’exposition photographique, ou que ce soit encore la réaction de la pellicule à la lumière: le grain photographique.
Dans une expérimentation totale du médium, noir et blanc ,couleur ,argentique, numérique, je pose la photographie dans le rapport à l’autre. La substance de l’ensemble des images que je propose est faite à partir de cette alternance d’images floues et nettes, permettant au regard d’être aspiré par le trouble créé.
Le corps-enveloppe s’expose indubitablement comme matière; cet amas de matière est notre fardeau mortel et notre point de départ du vivant. Il est l’incarnation de notre présence dans l‘Univers. Il est notre accès au monde visible. Il permet tout à la fois le questionnement de l’invisible, et celui de l’individu dans son extériorité mais aussi dans ce qu’il a de plus intime.





Seyrane DIPLOMAT